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Cent ans depuis la mort de l’Etalon or

Les paiements de l’Etalon or via Londres ressemblent fortement à la compensation du dollar US un siècle plus tard.

« L’or adore l’ironie », écrit Adrian Ash pour BullionVault.

Le 24 juillet, jour pour jour, il y a cent ans l’approche de la première guerre mondiale avait mis fin à l’étalon or. Aujourd’hui, le système monétaire mondial risque l’effondrement à nouveau.

L’on pourrait blâmer la guerre dans un coin pauvre de l’Europe. Comme avant. Cette guerre pourrait bien être le fait d’une grande puissance qui demande à un petit voisin de dire « pardon ». A l’époque, c’était la Serbie pour le meurtre d’un prince autrichien, de nos jours, c’est l’Ukraine qui a viré un président soutenu par Moscou.

Cette ironie est sublimée si l’on pense que cette semaine marque aussi le 70ème anniversaire depuis le remplacement de l’Etalon or, mis en place après la seconde guerre mondiale (Bretton Woods). Ce système de l’ombre, de l’or invisible et du papier tout à fait visible, n’a pas péri quand le système du change du dollar a perdu son lien avec l’or. Le président américain Richard Nixon a mis fin au lien entre le dollar et l’or à la Fed de New York, en août 1971, mais le dollar règne toujours de nos jours. Tout comme le commerce mondial qui avait besoin d’un accès à la City de Londres il y a un siècle, les fonds à compenser via une banque americaine sont aujourd’hui vitaux pour le commerce international.

Admettons que le compensation américaine devienne indisponible, ou perde la confiance de tous à cause d’une faillite du crédit ou de raisons politiques. Soit le commerce ne fonctionnera pas (voir la crise post-Lehman de 2008), soit il trouvera un autre système à utiliser. Les bitcoins pourraient suggérer que c’est vers un tel type de système que le commerce libre apolitique s’oriente, ainsi que vers Silk Road et ailleurs.

Revenons à 1914. « Les fourrures et peaux de lapin pourraient être vendues entre l’Australie et New York, ou le café du Brésil vers Hambourg », avait noté un banquier d’affaire avant que la crise de juillet n’atteigne Londres. Quoi qu’il en soit, pour tout accord transfrontalier « les acheteurs et les vendeurs réglaient leurs transactions à Londres ».

Cela reste encore vrai pour l’or et l’argent professionnels aujourd’hui. N’ayant aucune production minière aurifère, et sans demande de consommation ou de production d’affinerie, le Royaume-Uni héberge toujours le marché mondial des métaux précieux physiques. Ces métaux sont conservés dans des coffres-forts spécialisés à Londres, et sont prêts à être extraits avec un chariot élévateur avant d’être transportés vers le coffre du nouveau propriétaire s’il en veut. De l’Arizona à Pékin, de Perth au Qatar, le monde négocie des lingots ou barres garantis par le marché dans un système de « Bonne livraison » de Londres. Ces mêmes normes sont appliquées dans la plupart des marchés domestiques qui ne font pas partis du marché londonien. La Grande-Bretagne fait encore la pluie et le beau temps sur le marché de l’or dans le monde, ce qui fait écho à l’Etalon or mis à mort il y a un siècle.

La « seconde guerre de trente ans » en Europe a détruit l’empire britannique, mais le rôle de Londres comme centre monétaire avait déjà été détruit. Les banques américaines ont pris le relai, et le dollar US a supplanté la livre sterling alors que Washington stockait l’or des banques centrales pour obtenir la paix et gagner la guerre, lors de la conférence de Bretton Woods en juillet 1944.

Qu’est-ce qui a mis fin au cœur de la finance mondiale de Londres ? L’Autriche a tendu son ultimatum belligérant à Belgrade le 23 juillet 1914. Les dix demandes scandaleuses de Vienne ont rendu le refus quasi certain. Les marchés financiers ont alors paniqué le matin d’après.

Ils ont pris leur temps à avoir peur, comme le remarque Nial Ferguson, faisant référence au marché obligataire, alors distraits par les problèmes de l’Ireland et les prochaines vacances d’été. Mais, les banquiers de Londres, alors les créditeurs de la moitié des transactions transfrontalières mondiales selon Jamie Martin dans London Review of Books, se sont réveillés pour voir que leurs débiteurs ne pouvaient pas payer. Car il était soudainement devenu difficile pour les emprunteurs étrangers de payer où que ce soit. Londres ne proposerait pas de nouveaux crédits. Donc le monde ne pouvaient pas lever les emprunts qu’il devait pour régler ses dettes, et la lettre de change en livres sterling ou bill of exchange, « le premier instrument financier dans le monde » fut entièrement retiré de la circulation.

Ces lettres d’échange en livres sterling ont été cruciales. Ces morceaux de papier ont permis de passer de l’Etalon or classique à une « période de croissance économique sans précédent », avec un commerce relativement libre des marchandises, du travail et du capital, que certains gold bugs considèrent être le résultat du métal physique lui-même entre 1880 et la fin juillet 1914. Des billets à ordre et transférables, les lettres en sterling étaient acceptées par les traders d’un côté du monde en tant que paiement pour des marchandises envoyées depuis l’autre côté, puis ensuite vendues à une banque locale contre des espèces. Les banquiers d’affaire à Londres ont alors acceptés et vendus les lettres d’échange de nouveau, avec peut-être le débiteur original achetant et envoyant une autre lettre (plutôt que d’envoyer de l’or physique) pour régler le contrat. La lettre faisant à nouveau le tour du monde. Jusqu’à ce que l’ultimatum autrichien y mit fin.

Oui, l’Etalon sterling a peiné, tout comme l’Etalon or classique après la fin des hostilités en 1918. Mais l’or privé avait renforcé le système avant. L’on pouvait convertir des espèces en or à la banque, leur donner toutes les bonnes raisons d’offrir de bons taux d’intérêt. Un équivalent universel pour les devises majeures du monde, il était vital que l’or soit détenu de façon privée, plutôt que d’être prisonnier des mains des gouvernements et des banques centrales. Mais les livraisons de lingots d’or et de pièces d’or sont restées très difficiles, lentes, risquées et chères. Donc c’était les lettres en papier qui ont libéré la valeur des torrents d’or du 19ème siècle, d’abord californiens, puis australiens et ensuite sud-africains, pour célébrer la première ère de la mondialisation.

A la veille de l’ultimatum de l’Autriche, la lettre d’échange de Londres offrait pour certains « une meilleure devise que l’or lui-même », comme l’avait indiqué un banquier canadien. Et d’ajouter « plus économique, plus rapidement transmissible, plus efficace ». La City de Londres, se tenait prête à acheter et à vendre ce qui était désiré.

Comme l’a expliqué le professeur Richard Roberts dans son livre Saving the City, arrivé au 27 juillet 1914, les marchés monétaires de Londres étaient effectivement fermés. Le jour suivant, avec les parts majeures comme le géant minier du cuivre Rio Tinto perdant 25% en une semaine, la Bourse de Londres a suspendu les cotations pour la première fois depuis qu’elle a ouvert en 1801. A partir du mercredi 29 juillet, les banques commerciales de Grande Bretagne ont cessé de payer l’or à de longues queues d’épargnants retirant leurs dépôts. Mais le bank run s’est simplement déplacé vers la Banque d’Angleterre elle-même. Les gens se sont mis en file à Threadneedle Street pour échanger des billets en papier de 5 livres qu’on leur avait donnés contre des pièces d’or Sovereign, aspirant six million de livres sterling en métaux précieux en l’espace de trois jours.

Pour ralentir les sorties, le congé annuel d’été fut étendu à presqu’une semaine, du samedi 1er au vendredi 7 août. Avant la réouverture des banques, les politiciens désespérés de conserver plus d’or pour les réserves nationales ont dénoncé les réserves privées d’or dans des discours à la Chambre des communes, selon Roberts. La Grande Bretagne avait déjà alors déclaré la guerre à l’Allemagne, le mardi 4 août. L’Etalon or ne sera jamais repris, alors qu’il avait été créé en s’inspirant du libre échange, de la marine impériale britannique et de ces lettres d’échange en sterling du crédit de Londres.

Le rôle de Londres comme maison de compensation pour l’or continue encore aujourd’hui, pour le moment. Mais la guerre totale signifiait des dépenses étatiques sans fin. Les bases du libre échange et les limites en métaux précieux de l’Etalon or ne pouvait plus être appliquées. Les livraisons d’or privé ont été remplacées par des transferts de réserves d’un gouvernement à un autre au sein de la Banque d’Angleterre, la Banque internationale des règlements et la Fed de New York, avant que les navires de guerre français ne ramènent l’or vers Paris, ou que les avions de l’Aeroflot russe n’échangent l’or du Kremlin pour du blé canadien. Les lettres d’échange en sterling en tant que moyen d’échange international avaient depuis longtemps pris la poussière, ou moisi. Ce qui nous amène au dollar US ici en 2014.

Récemment, BNP Paribas a été condamnée à 9 milliards de dollars d’amende et un an de suspension en 2015 de ses compensations en dollars US pour ses affaires dans le secteur du gaz, de l’énergie et des matières premières.

C’est ce qui s’appelle prendre une claque. Selon Bloomberg, cette restriction temporaire d’utiliser des dollars entraînera de forts coûts administratifs pour BNP, et cela pourrait tester la volonté de ses clients à rester auprès de la banque.

Où pourraient bien aller ces clients ? Oublions le yuan pour le futur proche. Le dollar compte pour 41% des paiements mondiaux en valeur, avec l’euro pour 32% et la livre sterling pour 8%. La devise chinoise ne compte que pour 1,5%, et pour seulement 23% du commerce direct de la Chine avec le reste de l’Asie.

Financer des escrocs ou compenser leurs accords est une mauvaise chose, bien sûr. Mais la liste de pays avec l’étiquette « sanction du gouvernement américain » ne fait que s’allonger. Utiliser votre devise devient difficile si votre pays ne suit pas la pensée de Washington. Les menaces de sanction contre les riches russes à Londres par les britanniques ont entrainé une fuite des capitaux des oligarques. Mais Londres, ou Francfort ou Paris, ne sont rien à côté de la place américaine pour compenser la finance internationale.

Aucune banque internationale ne peut opérer sans avoir accès aux marchés monétaires américains, écrivait le Financial Times il y a deux semaines. Et avec un accès maintenant contrôlé, le monde trouve des moyens pour continuer sans le dollar, a renchéri le journaliste du FT, John Dizard. Et l’un de ces moyens est l’or, selon le journaliste, « l’alternative monétaire au dollar la plus chère et la moins pratique de toutes ». Il rigole !

Ou peut-être pas…

Dizard continue : L’or est très lourd à transporter et souvent doit être analysé à nouveau par la personne qui l’accepte comme paiement, puisqu’il y a souvent un manque de confiance entre les participants qui l’utilisent dans des transactions non enregistrées. Pas d’or Bonne livraison ni sa chaîne d’intégrité, donc. Mais quand les règlements étouffent le commerce, comme l’a prouvé l’interdiction d’importations d’or en Inde et la recrudescence de la contrebande, le commerce trouvera son propre chemin.

Aucune transaction ou aucun investissement ne sont en fait facturés en or en tant que tel. L’or est au lieu de cela utilisé en tant que méthode de règlement plutôt que pour la cotation du prix.

Donc bienvenue à cet " Etalon or néo-classique ". La popularité de l’or comme moyen d’échange a explosé, confie Dizard. Les Etats-Unis doivent alors s’adapter et accepter que tous ceux qui paient utilisent les dollars, plutôt que d’inviter le monde entier à trouver un remplacement. Les dealers de drogues légales aux US ont besoin d’un endroit pour conserver leurs profits après tout.

Joyeux anniversaire à la mort de la monnaie or.

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Adrian Ash dirige le bureau de recherches de BullionVault, un des moyens les plus simples et les plus économiques au monde d'acheter et d'investir dans l'or. Après avoir été responsable éditorial pour Fleet Street Publications -- l'homologue britannique des Publications Agora -- il a été correspondant du Daily Reckoning à la City de Londres pendant quatre ans. Il intervient désormais régulièrement dans les publications de 321gold.com, FinancialSense, GoldSeek, Prudent Bear, SafeHaven et Whiskey & Gunpowder ainsi que sur plusieurs sites internet d'investissement. Les points de vue d'Adrian sur le marché de l'or sont régulièrement repris par le Financial Times et AFX Thomson.
 
 

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